In memoriam

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lundi 21 mars 2011

M?susage du monde

Trains. La journ?e passe et la France d?file. Pique-nique ? Toulouse, face ? la Garonne. Je pars ? la rencontre du printemps, au Pays basque.

Biarritz est une ville bourgeoise jusqu'? la caricature. Je ne m'y attendais pas, tromp?e par l'Atlantique furieux et ses surfeurs en simple peau de caoutchouc, tous pareils du haut de la falaise, ombres noires, gros oiseaux guettant la vague parfaite et disparaissant dans l'?cume du moindre rouleau...

J'?touffe dans les petites rues proprettes, cern?e par les boutiques de luxe et les centaines de coiffeurs, les mains sont d?s?uvr?es en cette saison, et des dizaines de petits yeux nous scrutent, moi et mes frusques de voyageuse, derri?re des vitrines ?tincelantes. J'enrage et j'ai honte, malgr? les collines ? la pente amicale, qui forcent doucement mon c?ur, et tendent mes mollets, dans une chaleur famili?re et rassurante. M?me le parfum du jasmin en fleurs et le chant des oiseaux cach?s dans les arbres ne me consolent pas.
Tr?s pr?visiblement, je fuis, ? Bayonne, ? Hendaye, je vais contempler l'Atlantique d'une autre plage, sans Casino ni Palace, aust?re et d?serte. Mon monde, habituellement flou et ?pars, se resserre autour de ses fronti?res sensibles. M?me douleur du rejet, subi et choisi, que dans les vignes d'automne, dans la poussi?re et la sueur. Je cherche toujours ma place.

Mes papilles se r?veillent sous la flamme tendre du piment d'Espelette. J'enfouis mes pieds las dans le sable humide et frais, et j'attends ? une distance respectueuse la vague glac?e qui les recouvrira. L'Atlantique est tra?tre mais je ne me laisse pas surprendre. Le soleil a brill? pendant tout mon s?jour.

Dans le train du retour, j'apprends le drame japonais, et, en pleine nuit, quelqu'un se suicide en se jetant sous nos wagons. Lyon est dans un brouillard mouill?, ? l'arriv?e. Le monde, le monde...

dimanche 6 mars 2011

Calme plat

J'?tais partie la veille de la canicule. De l'avion, les champs d?ss?ch?s faisaient comme des ?les sablonneuses autour du L?man. Je baignais dans un oc?an turquoise, calme et doux. A Montr?al l'air ?tait ti?de. Quand je descendue des nuages, j'ai eu le vertige pour la premi?re fois, moi qui ai grandi dans les vols longs courriers ; ce fut un long et secourable ?branlement, le s?isme de sa rencontre. J'ai retrouv? ce vertige quand j'ai bourr? ma bouche de m?dicaments, quand en me r?veillant malgr? tout j'ai vomi du sang.

Cela fera bient?t, dans quelques petites, filandreuses ann?es, dix ans. Quand je pressentais ne jamais oublier, quand je me r?p?tais une ligne de dialogue de Hable con ella, dix ans que je me souviens d'elle, disait-il, c'?tait quand m?me un peu abstrait. Je croyais laisser les mots d?passer mes obsessions, par complaisance, par ignorance. Je pouvais hausser le regard et me voir gamine, ?perdue, et j'attendais tout de m?me que jeunesse se passe. Et pourtant j'en serai bient?t rendue l? : comme dans les films, comme dans les livres, cela fera dix ans, j'ai d?j? l'?ge o? on entre dans l'oubli par l'action, je ne fais rien et je n'oublie pas. C'est une histoire qui ne tient qu'? moi. Je suis seule lectrice de ce r?cit-l?. Les mots restent des mots.
Bien s?r, le souvenir est devenu supportable, les d?tails de son visage s'estompent, ce parfum, m?lange de lessive et de peau, sur ses v?tements, s'?vanouit, l'irr?alit? floute les couleurs, mais le reste, tout le reste... Je serre encore le poing, quand une image aigu? traverse en d?charge ma t?te, la nuit. J'imagine ses rides nouvelles, je vois mes plis ? moi na?tre, se couler le long de mes sourires. Et puis c'est tout. Pas de lien. Pas de peut-?tre. Il vit et pas moi. Cette solitude pour toute certitude. Que faire de ma vie, toujours parall?le, toujours par d?faut ? Cette histoire sera la derni?re parce qu'elle fut la premi?re.