In memoriamtag:inmemoriam.gozub.net,2024:/2013-07-25T23:23:09+00:00DotCleardaily12013-07-25T23:23:09+00:00Ten2013-07-25T23:23:09+00:00tag:inmemoriam.gozub.net,2013-07-25:/97EllisNous y voilà. Cela fait dix ans que mes pieds mal assurés ont foulé le sol canadien. C'est passé plus vite que je ne le pensais. Je ne me suis pourtant pas trompée sur l'essentiel : je ne m'en remettrai jamais tout à fait.
La vie d'après, la vie avec cicatrice, est, au fond, terriblement... Nous y voilà. Cela fait dix ans que mes pieds mal assurés ont foulé le sol canadien. C'est passé plus vite que je ne le pensais. Je ne me suis pourtant pas trompée sur l'essentiel : je ne m'en remettrai jamais tout à fait. <br />
La vie d'après, la vie avec cicatrice, est, au fond, terriblement prévisible.Double vie2012-09-08T15:03:30+00:00tag:inmemoriam.gozub.net,2012-09-08:/96EllisJ'ai un m?tier. Depuis quelques jours, je peux prononcer, ?crire, exhiber m?me, cette phrase. Au terme d'un an exactement, douze mois recroquevill?s sur des claviers noirs, pass?s ? rattraper ? toute allure un temps suspendu, irr?el et maladif ; une phrase sur un papier.
Ma joie est calme... J'ai un m?tier. Depuis quelques jours, je peux prononcer, ?crire, exhiber m?me, cette phrase. Au terme d'un an exactement, douze mois recroquevill?s sur des claviers noirs, pass?s ? rattraper ? toute allure un temps suspendu, irr?el et maladif ; une phrase sur un papier.
Ma joie est calme aujourd'hui : c'est cet apaisement que je cherchais, et rien d'autre. Mes petites victoires sur de grands gouffres feront des signes sur des pages A4, caract?res serr?s pour faire tenir, parfaitement align?es, des <em>comp?tences</em> et des <em>exp?riences</em>. <br />
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Je suis calme en dedans : raisonnablement confiante, mod?r?ment inqui?te, j'arme ma patience avec toutes ses cartouches. Je sais que les nuages s'agglutinent, non loin, je vois leur poids avancer vers moi, je sens mes os se raidir au souvenir du froid. Je n'oublie pas, je n'oublierai jamais : que j'ai aim?, que j'aurais d? mourir ? Montr?al, que toutes ces ann?es depuis ont ?t? celles du retour. Revenir ? la vie a ?t? ma grande aventure, celle dont je ne parle qu'ici, ?crite et v?cue, v?cue en l'?crivant. Je crois que cette phrase-l? me pla?t bien davantage : je suis vivante.Snow2011-12-26T15:26:41+00:00tag:inmemoriam.gozub.net,2011-12-26:/95EllisL'ann?e a fil?.
Je tombe dans la neige t?te la premi?re. Ses cristaux mordants se glissent le long de mes reins d?couverts. Se relever tr?s vite, l'effort fera fondre les gla?ons et r?chauffera la peau comme morte. D?valer encore des pentes, les remonter, inlassablement. Le sommet est dans un... L'ann?e a fil?. <br />
Je tombe dans la neige t?te la premi?re. Ses cristaux mordants se glissent le long de mes reins d?couverts. Se relever tr?s vite, l'effort fera fondre les gla?ons et r?chauffera la peau comme morte. D?valer encore des pentes, les remonter, inlassablement. Le sommet est dans un brouillard douloureux, le vent r?pe, cisaille la peau. Je me retrouve plusieurs fois au bord d'ar?tes, sortie de piste sans m?me m'en rendre compte. Des t?ches orange vif, fr?les bornes, sont mes bou?es. Tout voudrait m'engloutir, tout le pourrait... Et puis le ciel se d?gage : on a ?chapp? ? plus fort que soi. Se griser alors de vitesse, d'une assurance qui vient au fil des heures. La vall?e, au bas de notre ombre sans fin, est caress?e de lumi?re. La journ?e a filBricks and walls2011-09-23T00:17:34+00:00tag:inmemoriam.gozub.net,2011-09-23:/94EllisAmsterdam, derni?re. Je la connais d?sormais, je ne me laisse perdre dans sa toile de canaux que par complaisance, et mon coup de p?dale se fait las... Des adieux me d?chireraient, je prends donc les devants, et fuis la ville. Il me faut m'?loigner des petites rues pav?es, des ponts et des... Amsterdam, derni?re. Je la connais d?sormais, je ne me laisse perdre dans sa toile de canaux que par complaisance, et mon coup de p?dale se fait las... Des adieux me d?chireraient, je prends donc les devants, et fuis la ville. Il me faut m'?loigner des petites rues pav?es, des ponts et des touristes, comme d'un p?trole toxique. Je file, vers le port industriel, ses silos et ses chemin?es, vers la banlieue, ses pistes cyclables sous les ?oliennes, ses pavillons proprets et tranquilles, et le bac ? prendre, pour traverser un bras du fleuve...
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A Londres, que je d?couvre, l??il devient fou, attir? par une confusion de d?tails, d'excentricit?s, d'originalit?s. Et tout ce tapage n'est pourtant gu?re racoleur, il est serein et ?vident, comme la rencontre d'un canal de Camden Town, au faux airs d'Amsterdam, et des punks qui slaloment avec dext?rit? entre les salons de tatouage et les stands de fausses fripes made in China. Moi je me veux transparente, je n'ai ni le corps ni le c?ur ? tenter de rivaliser avec les gravures de mode qui d?filent devant moi avec plus ou moins de gr?ce, plus ou moins de nonchalance. Je me tasse dans un coin du petit tube, au plafond si bas qu'on dirait un jouet, et j'observe, inoffensive : j'ai d?pos? les armes de toute s?duction bien avant la lutte. J'ai en t?te The Wall, de Pink Floyd : <em>all in all it's just another brick in the wall</em>.<br />
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Je suis ? Grenoble. Bient?t minuit, la maison est calme. Mon nouvel appartement est lumineux, je vois m?me le Vercors depuis une des fen?tres. Ma cave lyonnaise, mon pr?caire refuge six ans durant, se referme sur son ombre et sa poussi?re. Les seuls murs qui contraindront d?sormais mon regard seront ceux des montagnes. <br />
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Ce journal est devenu un journal de voyage. Je n'en suis pas m?contente : je me sens plus vivante, contradictions et sens aiguis?s, satur?e d'impressions et d'?motions, lorsque je pars, sac sur le dos. Je ne suis alors peut-?tre pas plus libre, ma propre compagnie me p?se parfois, mais ce poids du monde sur mes ?paules et mes pieds fatigu?s, cette vuln?rabilit? du voyageur, seul et ? vif, c'est pour moi une terre famili?re.Front de mer2011-07-11T15:46:25+00:00tag:inmemoriam.gozub.net,2011-07-11:/93EllisSur le bateau qui nous m?ne ? Ouessant, je suis la fille, ? la poupe, cheveux qui deviennent longs emm?l?s par le vent, visage br?l?, en travers d'un haut banc au dossier dur.
Brest est grise, couleur des b?timents de trois-quatre ?tages qui n'entravent pas le ciel, couleur des navires de la... Sur le bateau qui nous m?ne ? Ouessant, je suis la fille, ? la poupe, cheveux qui deviennent longs emm?l?s par le vent, visage br?l?, en travers d'un haut banc au dossier dur.
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Brest est grise, couleur des b?timents de trois-quatre ?tages qui n'entravent pas le ciel, couleur des navires de la Marine, partout en attente ou en manoeuvres. Mais elle n'est pas triste, on y respire librement. Se r?veiller avec le cri des mouettes, quelque chose entre le piaillement d'un enfant et le miaulement d'un chat incommod?. Les rues sont vides t?t le matin, et l'azur est transparent, douloureux, nordique : comme ? Copenhague, la lumi?re m'aveugle. Je me laisse guider par la pente de la ville, je descends la colline. La rue de Siam s'?tale jusqu'? l'Atlantique, je me revois gamine descendant vers la plage, serviette sur le dos et lunettes sur le nez. Aujourd'hui je n'aime plus les plages en ?t?, mais je porte toujours des lunettes de soleil.<br />
Le soir, je marche jusqu'? la jet?e du port de plaisance, le soleil laisse tra?ner ses fards roses d'illusionniste, en poudre vaporeuse, avant de s'esquiver derri?re les tours brunes du ch?teau. Et je pense alors que je suis, ? quelques milliers de kilom?tres pr?s, au point le plus proche de Montr?al. Je connais assez ce pincement au c?ur, qui se retire sans grand mal, tout juste une vague plus forte que les autres...
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Je prends la mer pour Ouessant parce qu'on en parlait, dans un film de Rohmer. <em>Conte d'?t?</em>. On n'en voyait pourtant pas d'images. Je vais les chercher moi-m?me.<br /><br />
La jeune mousse du bateau-navette avait les cheveux blonds, retenus en queue de cheval, le corps fin mais solide, le regard fixe et per?ant. Quand elle a rompu son long silence, ses gestes arrondis et son sourire, chauds. F?e aux mains calleuses, qui agrippe les cordes mouill?es d'eau de mer sans h?siter. Il faudrait des contes grandioses pour raconter l'histoire de ces filles de mer aux m?ches de soleil.<br /><br />
Je ne trempe ? nouveau que mes pieds dans l'Atlantique, si froid mais d'un bleu de saphir, m?diterran?en. Ce n'est pas le bleu-vert du Pays Basque, o? l'oc?an ?tait sans cesse remuant, toujours inqui?tant. Ici, mon regard se repose tandis que mes muscles peinent dans les pentes, discr?tes mais longues, et mon v?lo grince et craque sous le poids de mes sacs. Le vent s?che les gouttes de sueur naissantes mais fait d?vier mes roues. Je travaille au corps ? corps ce bout de terre, cette ?le aux quatre phares et aux moutons paisibles. Elle me vaincra bien assez t?t, et c'est la t?te basse que je pousserai mon v?hicule jusqu'au sommet...<br />
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Dire au revoir ? l'oc?an, en prenant le dernier petit-d?jeuner sur un banc du Jardin des Explorateurs, tout en haut, pr?s des arbustes exotiques et des palmiers, souvenirs vivants de voyages lointains. Et se sentir : l?g?re et calme, comme la mer, exactement.Leaving, living2011-07-05T11:33:46+00:00tag:inmemoriam.gozub.net,2011-07-05:/92EllisLecture sans peur ni surprise de Virgnie Despentes. King Kong Th?orie. Le f?minisme froid et cru d'une fille-lame. Je me reconnais, par moments, dans sa rage affich?e. Et puis : moi aussi, je fais partie de "toutes les exclues du grand march? ? la bonne meuf". Je ne suis pas "bonne", plut?t bonne ?... Lecture sans peur ni surprise de Virgnie Despentes. <em>King Kong Th?orie</em>. Le f?minisme froid et cru d'une fille-lame. Je me reconnais, par moments, dans sa rage affich?e. Et puis : moi aussi, je fais partie de "toutes les exclues du grand march? ? la bonne meuf". Je ne suis pas "bonne", plut?t bonne ? rien.<br />
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J'admire les femmes violentes et imparfaites, Marina Tsv?ta??va, Patti Smith, Despentes peut-?tre. J'aime la po?sie et je joue (parfois) au foot. Je n'ai pas mal quand un genou cogne mon genou. Mais je m'effondre quand je doute. <br />
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<em>J'?cris de chez les moches, pour les moches, les vieilles, les camionneuses, les frigides, les mal bais?es, les imbaisables, les hyst?riques, les tar?es, toutes les exclues du grand march? ? la bonne meuf. Et je commence par l? pour que les choses soient claires : je ne m'excuse de rien, je ne viens pas me plaindre. Je n'?changerais ma place contre aucune autre, parce qu'?tre Virginie Despentes me semble ?tre une affaire plus int?ressante ? mener que n'importe quelle autre affaire</em>.</q><br />
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Despentes, en hommage aux pentes de la Croix-Rousse.<br /><br />
Je quitte Lyon dans quelques mois, pour au moins un an, peut-?tre plus. Mais je n'irai pas tr?s loin : cette ville m'a appris, p?niblement, qu'on pouvait vivre ailleurs qu'? Montr?al.Match Point2011-06-06T17:20:54+00:00tag:inmemoriam.gozub.net,2011-06-06:/91EllisA Roland Garros, les h?tesses portent des robes cr?me pliss?es, style ann?es 20, les boys des pantalons couleur terre battue. La foule transpire et rougit sous le soleil, fl?ne dans les all?es transform?es en galerie marchande, et des cors des alpes incongrus mugissent au loin.
La terre est... A Roland Garros, les h?tesses portent des robes cr?me pliss?es, style ann?es 20, les boys des pantalons couleur terre battue. La foule transpire et rougit sous le soleil, fl?ne dans les all?es transform?es en galerie marchande, et des cors des alpes incongrus mugissent au loin. <br /><br />
La terre est s?che, les cordes tendues, la balle claque. Les r?les des grands champions, concentr?s ? l'extr?me, droits et dignes, r?sonnent dans tout le stade. Mes bras br?lent, j'attends la pluie. Elle tombe enfin, quelques minutes d'un autre rituel : la moiti? des spectateurs d?guerpit, l'autre dispara?t sous des parapluies-boucliers. <br />
Federer perd sans gloire, mais sans un mot. Nadal tombe ? genoux, foudroy? par sa victoire. Un roi se rel?ve, et il est couvert d'ocre.Cold War Kid2011-04-30T19:05:05+00:00tag:inmemoriam.gozub.net,2011-04-30:/90EllisJe viens d'une famille triste. Je suis joyeuse avec s?rieux : il ne faut pas, jamais, leur ressembler.
Faire : des recettes, des balades, du sport, des concerts, des rencontres, des voyages ; habiter son corps vivant et mouvant. ?tre : vague, floue, inconsistante, tout au fond. Mes vacances... Je viens d'une famille triste. Je suis joyeuse avec s?rieux : il ne faut pas, jamais, leur ressembler. <br /><br />
Faire : des recettes, des balades, du sport, des concerts, des rencontres, des voyages ; habiter son corps vivant et mouvant. ?tre : vague, floue, inconsistante, tout au fond. Mes vacances sans fin m'usent et je me d?lite dans une douceur sirupeuse. C'est comme le sucre dans l'eau chaude : il se dissout sans bruit. Me faut-il encore du drame, des larmes et du sang, pour avancer brusquement ?<br />
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Je repense, je pense beaucoup ? ce dernier h?te, Espagnol aux yeux bleus, qui arrive tard et fauch?. Complicit? imm?diate et sourires francs. Fr?lement de son bras, en marchant. Tendresse et amertume : ma paix est agr?able, mais ses murs capitonn?s sont ceux d'une prison. Presque cinq ans d'asc?se craintive : j'ai peur de moi. <br />
<br />M?susage du monde2011-03-21T19:10:05+00:00tag:inmemoriam.gozub.net,2011-03-21:/89EllisTrains. La journ?e passe et la France d?file. Pique-nique ? Toulouse, face ? la Garonne. Je pars ? la rencontre du printemps, au Pays basque.
Biarritz est une ville bourgeoise jusqu'? la caricature. Je ne m'y attendais pas, tromp?e par l'Atlantique furieux et ses surfeurs en simple peau de... Trains. La journ?e passe et la France d?file. Pique-nique ? Toulouse, face ? la Garonne. Je pars ? la rencontre du printemps, au Pays basque.<br />
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Biarritz est une ville bourgeoise jusqu'? la caricature. Je ne m'y attendais pas, tromp?e par l'Atlantique furieux et ses surfeurs en simple peau de caoutchouc, tous pareils du haut de la falaise, ombres noires, gros oiseaux guettant la vague parfaite et disparaissant dans l'?cume du moindre rouleau...<br />
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J'?touffe dans les petites rues proprettes, cern?e par les boutiques de luxe et les centaines de coiffeurs, les mains sont d?s?uvr?es en cette saison, et des dizaines de petits yeux nous scrutent, moi et mes frusques de voyageuse, derri?re des vitrines ?tincelantes. J'enrage et j'ai honte, malgr? les collines ? la pente amicale, qui forcent doucement mon c?ur, et tendent mes mollets, dans une chaleur famili?re et rassurante. M?me le parfum du jasmin en fleurs et le chant des oiseaux cach?s dans les arbres ne me consolent pas.<br />
Tr?s pr?visiblement, je fuis, ? Bayonne, ? Hendaye, je vais contempler l'Atlantique d'une autre plage, sans Casino ni Palace, aust?re et d?serte. Mon monde, habituellement flou et ?pars, se resserre autour de ses fronti?res sensibles. M?me douleur du rejet, subi et choisi, que dans les vignes d'automne, dans la poussi?re et la sueur. Je cherche toujours ma place.<br /><br />
Mes papilles se r?veillent sous la flamme tendre du piment d'Espelette. J'enfouis mes pieds las dans le sable humide et frais, et j'attends ? une distance respectueuse la vague glac?e qui les recouvrira. L'Atlantique est tra?tre mais je ne me laisse pas surprendre. Le soleil a brill? pendant tout mon s?jour. <br />
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Dans le train du retour, j'apprends le drame japonais, et, en pleine nuit, quelqu'un se suicide en se jetant sous nos wagons. Lyon est dans un brouillard mouill?, ? l'arriv?e. Le monde, le monde...<br />Calme plat2011-03-06T02:31:33+00:00tag:inmemoriam.gozub.net,2011-03-06:/88EllisJ'?tais partie la veille de la canicule. De l'avion, les champs d?ss?ch?s faisaient comme des ?les sablonneuses autour du L?man. Je baignais dans un oc?an turquoise, calme et doux. A Montr?al l'air ?tait ti?de. Quand je descendue des nuages, j'ai eu le vertige pour la premi?re fois, moi qui ai... J'?tais partie la veille de la canicule. De l'avion, les champs d?ss?ch?s faisaient comme des ?les sablonneuses autour du L?man. Je baignais dans un oc?an turquoise, calme et doux. A Montr?al l'air ?tait ti?de. Quand je descendue des nuages, j'ai eu le vertige pour la premi?re fois, moi qui ai grandi dans les vols longs courriers ; ce fut un long et secourable ?branlement, le s?isme de sa rencontre. J'ai retrouv? ce vertige quand j'ai bourr? ma bouche de m?dicaments, quand en me r?veillant malgr? tout j'ai vomi du sang.<br />
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Cela fera bient?t, dans quelques petites, filandreuses ann?es, dix ans. Quand je pressentais ne jamais oublier, quand je me r?p?tais une ligne de dialogue de <em>Hable con ella</em>, dix ans que je me souviens d'elle, disait-il, c'?tait quand m?me un peu abstrait. Je croyais laisser les mots d?passer mes obsessions, par complaisance, par ignorance. Je pouvais hausser le regard et me voir gamine, ?perdue, et j'attendais tout de m?me que jeunesse se passe. Et pourtant j'en serai bient?t rendue l? : comme dans les films, comme dans les livres, cela fera dix ans, j'ai d?j? l'?ge o? on entre dans l'oubli par l'action, je ne fais rien et je n'oublie pas. C'est une histoire qui ne tient qu'? moi. Je suis seule lectrice de ce r?cit-l?. Les mots restent des mots.<br />
Bien s?r, le souvenir est devenu supportable, les d?tails de son visage s'estompent, ce parfum, m?lange de lessive et de peau, sur ses v?tements, s'?vanouit, l'irr?alit? floute les couleurs, mais le reste, tout le reste... Je serre encore le poing, quand une image aigu? traverse en d?charge ma t?te, la nuit. J'imagine ses rides nouvelles, je vois mes plis ? moi na?tre, se couler le long de mes sourires. Et puis c'est tout. Pas de lien. Pas de peut-?tre. Il vit et pas moi. Cette solitude pour toute certitude. Que faire de ma vie, toujours parall?le, toujours par d?faut ? Cette histoire sera la derni?re parce qu'elle fut la premi?re.