lundi 11 juillet 2011
Front de mer
lundi 11 juillet 2011 à 15:46
Sur le bateau qui nous m?ne ? Ouessant, je suis la fille, ? la poupe, cheveux qui deviennent longs emm?l?s par le vent, visage br?l?, en travers d'un haut banc au dossier dur.
Brest est grise, couleur des b?timents de trois-quatre ?tages qui n'entravent pas le ciel, couleur des navires de la Marine, partout en attente ou en manoeuvres. Mais elle n'est pas triste, on y respire librement. Se r?veiller avec le cri des mouettes, quelque chose entre le piaillement d'un enfant et le miaulement d'un chat incommod?. Les rues sont vides t?t le matin, et l'azur est transparent, douloureux, nordique : comme ? Copenhague, la lumi?re m'aveugle. Je me laisse guider par la pente de la ville, je descends la colline. La rue de Siam s'?tale jusqu'? l'Atlantique, je me revois gamine descendant vers la plage, serviette sur le dos et lunettes sur le nez. Aujourd'hui je n'aime plus les plages en ?t?, mais je porte toujours des lunettes de soleil.
Le soir, je marche jusqu'? la jet?e du port de plaisance, le soleil laisse tra?ner ses fards roses d'illusionniste, en poudre vaporeuse, avant de s'esquiver derri?re les tours brunes du ch?teau. Et je pense alors que je suis, ? quelques milliers de kilom?tres pr?s, au point le plus proche de Montr?al. Je connais assez ce pincement au c?ur, qui se retire sans grand mal, tout juste une vague plus forte que les autres...
Je prends la mer pour Ouessant parce qu'on en parlait, dans un film de Rohmer. Conte d'?t?. On n'en voyait pourtant pas d'images. Je vais les chercher moi-m?me.
La jeune mousse du bateau-navette avait les cheveux blonds, retenus en queue de cheval, le corps fin mais solide, le regard fixe et per?ant. Quand elle a rompu son long silence, ses gestes arrondis et son sourire, chauds. F?e aux mains calleuses, qui agrippe les cordes mouill?es d'eau de mer sans h?siter. Il faudrait des contes grandioses pour raconter l'histoire de ces filles de mer aux m?ches de soleil.
Je ne trempe ? nouveau que mes pieds dans l'Atlantique, si froid mais d'un bleu de saphir, m?diterran?en. Ce n'est pas le bleu-vert du Pays Basque, o? l'oc?an ?tait sans cesse remuant, toujours inqui?tant. Ici, mon regard se repose tandis que mes muscles peinent dans les pentes, discr?tes mais longues, et mon v?lo grince et craque sous le poids de mes sacs. Le vent s?che les gouttes de sueur naissantes mais fait d?vier mes roues. Je travaille au corps ? corps ce bout de terre, cette ?le aux quatre phares et aux moutons paisibles. Elle me vaincra bien assez t?t, et c'est la t?te basse que je pousserai mon v?hicule jusqu'au sommet...
Dire au revoir ? l'oc?an, en prenant le dernier petit-d?jeuner sur un banc du Jardin des Explorateurs, tout en haut, pr?s des arbustes exotiques et des palmiers, souvenirs vivants de voyages lointains. Et se sentir : l?g?re et calme, comme la mer, exactement.
Brest est grise, couleur des b?timents de trois-quatre ?tages qui n'entravent pas le ciel, couleur des navires de la Marine, partout en attente ou en manoeuvres. Mais elle n'est pas triste, on y respire librement. Se r?veiller avec le cri des mouettes, quelque chose entre le piaillement d'un enfant et le miaulement d'un chat incommod?. Les rues sont vides t?t le matin, et l'azur est transparent, douloureux, nordique : comme ? Copenhague, la lumi?re m'aveugle. Je me laisse guider par la pente de la ville, je descends la colline. La rue de Siam s'?tale jusqu'? l'Atlantique, je me revois gamine descendant vers la plage, serviette sur le dos et lunettes sur le nez. Aujourd'hui je n'aime plus les plages en ?t?, mais je porte toujours des lunettes de soleil.
Le soir, je marche jusqu'? la jet?e du port de plaisance, le soleil laisse tra?ner ses fards roses d'illusionniste, en poudre vaporeuse, avant de s'esquiver derri?re les tours brunes du ch?teau. Et je pense alors que je suis, ? quelques milliers de kilom?tres pr?s, au point le plus proche de Montr?al. Je connais assez ce pincement au c?ur, qui se retire sans grand mal, tout juste une vague plus forte que les autres...
Je prends la mer pour Ouessant parce qu'on en parlait, dans un film de Rohmer. Conte d'?t?. On n'en voyait pourtant pas d'images. Je vais les chercher moi-m?me.
La jeune mousse du bateau-navette avait les cheveux blonds, retenus en queue de cheval, le corps fin mais solide, le regard fixe et per?ant. Quand elle a rompu son long silence, ses gestes arrondis et son sourire, chauds. F?e aux mains calleuses, qui agrippe les cordes mouill?es d'eau de mer sans h?siter. Il faudrait des contes grandioses pour raconter l'histoire de ces filles de mer aux m?ches de soleil.
Je ne trempe ? nouveau que mes pieds dans l'Atlantique, si froid mais d'un bleu de saphir, m?diterran?en. Ce n'est pas le bleu-vert du Pays Basque, o? l'oc?an ?tait sans cesse remuant, toujours inqui?tant. Ici, mon regard se repose tandis que mes muscles peinent dans les pentes, discr?tes mais longues, et mon v?lo grince et craque sous le poids de mes sacs. Le vent s?che les gouttes de sueur naissantes mais fait d?vier mes roues. Je travaille au corps ? corps ce bout de terre, cette ?le aux quatre phares et aux moutons paisibles. Elle me vaincra bien assez t?t, et c'est la t?te basse que je pousserai mon v?hicule jusqu'au sommet...
Dire au revoir ? l'oc?an, en prenant le dernier petit-d?jeuner sur un banc du Jardin des Explorateurs, tout en haut, pr?s des arbustes exotiques et des palmiers, souvenirs vivants de voyages lointains. Et se sentir : l?g?re et calme, comme la mer, exactement.